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Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/31

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III

QUE LA DERNIÈRE INCARNATION DE VAUTRIN N’ÉTAIT PAS LA DERNIÈRE


La session s’acheva sans grands coups de lances oratoires. Après le désarroi où elle était tombée, la coalition fut dissoute, et elle serait restée mieux cohérente, qu’elle n’eût pu entreprendre de considérable contre un ministère qui avait montré une force de résistance si peu attendue.

Sallenauve évita de se prodiguer à la tribune et ne parla que dans quelques rares occasions ; mais, à propos d’un tracé de chemin de fer auquel tenait le ministre des travaux publics, et qui accusait une complaisance évidente pour certains intérêts, un notable succès était réservé au député puritain ; il fit rejeter le projet ministériel. Rastignac avait déjà contre lui nombre de griefs : ses avances perdues, lorsque Sallenauve était arrivé à la Chambre ; la part que celui-ci avait eue à la quasi-chute du cabinet, tout en se tenant en dehors des partis coalisés ; enfin, la part que l’amoureux ministre lui supposait dans l’émigration de la Luigia aux États-Unis. On comprend donc que ce nouvel et dernier échec, ad hominem, fût pour rendre le petit homme d’État furieux ; à dater de ce moment il n’y eut plus de si méchantes manœuvres auxquelles il ne fût prêt à s’associer contre cet homme que partout il rencontrait comme pierre d’achoppement sur son chemin.

Au moment où commence ce chapitre, plus de huit mois s’étaient écoulés depuis le départ de Maxime : Sallenauve était chez M. de l’Estorade à sa terre de la Crampade, et il était question que, sous sa conduite, la famille entière entreprît un voyage en Italie, lorsqu’un soir, lui parvint une lettre apportée de Paris par exprès. Cet homme, qui désira la remettre en mains propres, exigea, comme les