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Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/32

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ordonnances à cheval qui portent dans Paris les dépêches ministérielles, qu’il lui fût délivré un reçu.

Communication prise de cette importante missive, Sallenauve parut très agité et très ému. Il quitta aussitôt le salon où il se trouvait seul dans le moment avec M. de l’Estorade et ordonna à son valet de chambre de tout préparer pour son départ et d’avoir aussitôt que faire se pourrait des chevaux de poste.

Revenant ensuite trouver M. de l’Estorade :

— Mon cher hôte, lui dit-il en affectant une tranquillité mal jouée, cette lettre qui vient de m’arriver me force à vous quitter.

— Mais est-ce quelque chose de désagréable qui vous arrive ? demanda le pair de France.

— C’est au moins quelque chose de très grave, répondit Sallenauve, et de très imprévu.

— Et il n’y a pas moyen de savoir quel est ce fâcheux contre-temps : l’amitié ne peut pas prétendre à entrer en partage de ce souci et vous offrir son dévoûment ?

— Merci mille fois, répondit le député, moi seul puis quelque chose au maniement de cet intérêt, qui exige ma présence à Paris dans le plus bref délai ; je compte donc partir ce soir et vous demande la permission d’aller faire mes préparatifs.

Intrigué au dernier point, M. de l’Estorade courut trouver sa femme, qui était au jardin avec ses enfants, et, après lui avoir conté ce qui arrivait, suivant son système de la mettre toujours en avant :

— Voyez donc un peu à le chambrer, dit-il à la comtesse. Il y a un désastre. Cet homme, ordinairement si froid et si compassé, montre une fiévreuse impatience d’être parti ; depuis que je le connais, je ne le vis jamais si peu maître de ses impressions.

Madame de l’Estorade, qui ne s’était pas laissé entraîner à beaucoup près aussi loin que pouvait le faire supposer sa lettre à madame de Camps, se trouvait néanmoins, avec Sallenauve, sur un pied d’intimité assez tendre pour avoir le droit de le questionner, plutôt au nom de l’intérêt qu’elle lui portait, qu’au nom d’une stérile et inquiète curiosité.

Elle se décida à aller le trouver dans sa chambre, et,