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Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/40

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— Me sera-t-il permis, de m’adjoindre quelqu’un pour l’exécution ?

— Carte blanche dans l’action, répondit Rastignac ; seulement vous aurez à voir si, dans l’intérêt du secret que je vous demande aussi solidement gardé que possible, des hommes employés habituellement par vous seraient convenables. À Dieu ne plaise que je me permette de donner des instructions à un maître de votre force ; mais il me semble, sauf meilleur avis, que quelques-unes de ces mauvaises connaissances, que du plus au moins nous avons tous eues dans notre vie, seraient ici parfaitement de mise.

— Je ne m’étonne pas, dit Vautrin, que vous soyez arrivé, monsieur le ministre, à la hauteur où j’ai l’honneur de vous rencontrer. Vous êtes un habile entrepreneur de choses secrètes, et vous me conseillez ce dont je me fusse avisé moi-même après réflexion. Maintenant je ne ferai plus à mon ardent concours qu’une seule réserve : votre intention n’est pas, j’ose l’espérer, de maintenir concurremment Corentin et moi, dans la haute direction de la police politique ; nous avons eu autrefois des démêlés plus vifs ; il nous serait impossible de marcher ensemble, et aujourd’hui, chef d’un service important, jamais je ne consentirais, en passant dans un autre service, à y prendre une position subalterne.

— Réussissez dans ce que vous allez entreprendre, répondit Rastignac, et la succession de Corentin vous est assurée. Corentin a mille inconvénients ; il est de la vieille école, a la routine de toutes les polices qu’il a faites depuis la République ; il a pris des manies comme tous les vieillards, et ne demande d’ailleurs qu’à aller planter ses choux dans quelque département éloigné. Encore un coup, vous êtes notre homme ; je l’ai dit dès le principe à Franchessini ; mais il fallait une occasion ; c’est à vous de la faire fleurir, maintenant que la voilà venue.

— Vous pouvez compter sur mon zèle, dit Vautrin en se levant ; si j’avais besoin, monsieur le ministre, de vous référer de quelque chose ?

— Toujours le même moyen, vous me feriez passer le nom de M. Lefebvre par mon chef de cabinet, et vous serez toujours le très bien reçu.