Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/50

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n’aurez pas humilié un homme qui, devant être prochainement honoré de votre confiance, ne saurait trop se relever à ses propres yeux et aux vôtres.

— Vous avez, je crois, avancé quelque argent pour le succès de votre expédition ?

— Est-ce mon congé que vous entendez me donner, monsieur le ministre ?

— Pourquoi ?

— Aux fournisseurs que l’on veut quitter on demande leur compte.

— Mais vous ne voulez pas, je pense, que l’État reste votre débiteur ?

— À la première occasion vous me remplirez de ces avances.

— Allons, soit ! voulez-vous bien au moins vous charger de faire faire cette clé, que vous pourriez m’envoyer par quelqu’un de sûr, dans une petite boîte cachetée, si elle ne pouvait être prête avant votre départ, que je vous engage à ne pas ajourner ?

Vautrin s’approcha de la cheminée, prit de la cire à l’une des bougies des candélabres, et après l’avoir un instant pétrie dans ses doigts, il la présenta à Rastignac, qui fit un mouvement aussitôt réprimé.

— Ah ! vous voulez, je le vois, dit le haut fonctionnaire avec un sourire un peu forcé, que j’opère moi-même.

— Je désire, monsieur le ministre, que vous vous rendiez compte des entraînements de mon passé, où je fis souvent plus que je n’aurais voulu. C’est de la morale en action.

Pour en finir, Rastignac appuya la cire sur l’entrée de la serrure.

— Est-ce bien ainsi ? dit-il ensuite, en remettant l’empreinte à Vautrin.

— À merveille, monsieur le ministre ; vous faites bien tout ce que vous faites.

— Alors, je compte sur vous pour l’envoi de tantôt, dit Rastignac, en congédiant Jacques Collin. Puis, comme déjà le futur chef de la police politique avait fait quelques pas du côté de la porte : — Bien pour cette fois, ajouta le ministre d’un ton où il y avait comme une