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Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/51

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pointe de menace ; mais, à l’avenir, je vous engage à avoir le repentir moins raisonneur et moins pointilleux.

Vautrin fit un salut profond, sans rien répondre, et acheva de sortir.

Le soir, Rastignac avait la clé qu’il avait désirée, et pratiquait l’autopsie de la cassette. Le lecteur aura un avant-goût des découvertes qu’il dut y faire en prenant maintenant connaissance de la lettre que Sallenauve avait reçue à la Crampade, et qui lui faisait regagner Paris avec une fiévreuse célérité.

« Cher monsieur, lui écrivait Jacques Bricheteau, l’homme par lequel je vous fais passer cette lettre, que j’ai mes raisons de n’oser point confier à la poste, ne sait absolument rien ; vous ferez donc bien de le laisser partir sans l’interroger.

» Avant-hier, dans la nuit, un vol d’argenterie assez considérable a été commis au chalet, et cela dans des circonstances faites pour m’humilier beaucoup. Moi, qui me pique de quelque habileté, j’ai été joué comme un écolier, ayant eu la sottise de prendre les voleurs pour des marchands de bois, auxquels j’avais cru vendre à un très bon prix le résultat des éclaircies convenues avec vous dans le parc. Je leur ai donné courtoisement à dîner, après avoir été d’ailleurs fort adroitement mis par eux en demeure de leur faire cette invitation. Ils ont trouvé le moyen de nous servir, à moi et tous les domestiques, d’un narcotique dont le vieux Philippe a failli mourir, et dont je suis, pour mon compte, encore bien souffrant. Cela fait, vous comprenez que le vol allait de lui-même. Toute votre vaisselle plate a été enlevée, et il n’est resté que quelques couverts d’argent, qui ont échappé aux recherches de ces misérables ; mais que penserez-vous de moi quand je vous dirai que c’est là comparativement un petit malheur, et que quelque chose d’infiniment plus précieux a été en même temps soustrait ?

» Dès longtemps, je gardais par devers moi des papiers où se trouvent consignés quelques détails assez circonstanciés intéressant le secret de votre naissance, et ces papiers, des raisons à moi personnelles, m’avaient décidé à ne point m’en séparer.

» Je sentais bien que je commettais là une imprudence,