Page:Balzac - Pensées, sujets, fragments, éd. Crépet, 1910.djvu/14

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tière. On lui demanda ce qu’il fallait faire des papiers répandus dans le petit salon. Elle répondit, assure-t-on : Brûlez tout !

Ainsi se réalisait une fois de plus le sinistre pressentiment qui avait assailli Balzac quand, ramenant de Russie l’épouse si longtemps convoitée et se croyant, comme il l’écrivait à sa sœur Surville, « au comble du bonheur », il avait trouvé la porte de son hôtel défendue contre lui par un concierge devenu subitement fou. La petite maison du financier Beaujondevait lui être fatale jusque par delà le tombeau. Là, il avait agonisé dans l’affreux isolement que l’on sait ; là, se réveillant d’un rêve ardemment nourri pendant dix-sept ans, il avait pu méditer pour son compte la terrible réplique de Quinola : « Et l’on parle du premier amour ! Je ne connais rien de terrible comme le dernier, il est strangulatoire ! » Maintenant, c’étaient des fragments de son œuvre même, des parcelles de sa pensée que ces murs voyaient profaner, disperser, anéantir[1].

L’album que publiera prochainement M. Blaizot, est-il sorti de l’hôtel de la rue Fortunée dans la poche de quelque passant à qui le désordre de cette heure-là fournit l’occasion de satisfaire, à peu de frais, ses goûts de collectionneur ? On peut le supposer. C’est en 1882, en effet, qu’il devint la propriété de M. Clément-Simon, avec un portefeuille de chagrin violet qu’ornait le portrait reproduit en tête de ce livre[2], et qui contenait encore un bulletin d’Equipagen-

  1. Presque tous ces renseignements sont empruntés à l’article de Jehan Valter, les Papiers de Balzac, publié dans le Figaro du 20 juin 1882.
  2. C’est sans doute de cette réduction que Balzac a parlé dans ses Lettres à l’Étrangère. (V. 2 mars et 7 avril 1843 notamment.)