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Page:Balzac - Pensées, sujets, fragments, éd. Crépet, 1910.djvu/18

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et de ses ambitions, il faut en convenir. Mais en haut de la page, en face dune description d’écu qui pourrait bien avoir le comte Ferdinand de Gramont pour auteur et qu’on devine sous les ratures, tout en haut de la page, placée là comme une mystique dédicace, voici, en revanche, une indication toute personnelle évidemment : 6 janvier, naissance d’E. Retenons-la, elle nous sera une clef tout à l’heure.

Suivent cinquante-quatre feuillets couverts, au recto et au verso, d’une écriture souple, allongée, menue le plus souvent, ici restée noire et emprisonnant encore quelques parcelles de poudre à sécher, là jaunie par les ans, tantôt alignée régulièrement, tantôt distribuée en paquets au hasard du papier, si fine parfois qu’on la croirait plutôt formée avec la pointe d’une aiguille qu’avec une plume de corbeau, et qui disparait, des demi-pages, sous des ratures en croisillons, et qui ne souffre pas un espace blanc, et qui emprunte des façons d’arabesques, et qui se corrige, et qui annote aujourd’hui ce quelle avait hier consigné, et qui soudain se perd dans un et cœtera ou une tache d’encre, et qui, bousculée toujours par la pensée, n’a jamais le temps d’achever la syllabe finale… Je ne m’étonne plus si les « typos » d’Everat[1] mettaient comme première condition à leur engagement « qu’ils n’auraient pas, journée commune, plus de deux heures de Balzac »[2], ni que maints romans de notre auteur aient coûté beaucoup plus cher à corriger qu’à composer, et j’admets volontiers maintenant que MM. de Spoelberch et Clément-Simon purent pâlir des semaines et des mois sur ces pages-ci.

  1. L’imprimeur de la Revue de Paris, à l’époque.
  2. E. de Mirecourt, les Contemporains.