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Chez Balzac, la forme de la composition, son genre, l’agrément du drame sont autant de points indifférents pour qui aime à l’étudier : le plan, en effet, s’efface et s’annule devant le fond, et ce qui a toujours dominé, c’est l’idée : elle seule emplit et vivifie chacune de ses œuvres.

Des romanciers français, ses contemporains, nul ne fournirait matière à un livre tel que celui qui fut édité en 1856[1], sous le titre de : Les Femmes, et Maximes et Pensées de Balzac, deux volumes, dans la collection Hetzel et Lévy. Et cependant cet écrin déjà si riche, ayant pour étiquette l’Esprit de Balzac, est loin de renfermer l’extrait de tout ce que cet écrivain a su produire. Il faut le voir surtout sonder, en vue de l’avenir, notre état politique et social. Il a écrit, dans le Dictionnaire de la Conversation, six articles esquissant Louis XIII, Louis XIV, Louis XV, Louis XVI, Louis XVII, Louis XVIII ; ce sont deux cent quatorze années de notre histoire (de 1610 à 1824) appréciées à son point de vue comme partisan du principe autoritaire et monarchique. Les réformés, la noblesse, les philosophes libres penseurs, le clergé et le parlement, y sont tour à tour étudiés en regard du duel imminent entre la royauté et le peuple.

Ces articles présentent un vif intérêt : médités sous l’impression des événements les plus actuels, ils ont une portée politique que leur auteur, plus publiciste qu’il ne le paraissait d’abord, a réussi à leur donner en y ouvrant des aperçus pleins d’enseignements ; les développements s’y rencontrent çà et là dans la Comédie humaine, et spécialement dans :

Le Martyr calviniste.
Les Deux Rêves.
Le Bal de Sceaux.
La Vieille Fille.
Le Cabinet des antiques.
La Duchesse de Langeais.
Les Paysans.
Le Médecin de campagne.
Z. Marcas.
La Maison Nucingen.
L’Épicier.
Le Député d’Arcis.
Les Comédiens sans le savoir.

« Balzac prétendait que les noms inventés ne donnent pas la vie aux êtres imaginaires, tandis que ceux qui ont été réellement portés les douent en réalité. Aussi prit-il tous ceux des personnages de la Comédie humaine partout où il se promenait[2]. »

Ce Buffon, ce Linnée du monde psychologique usait d’une méthode en rapport avec l’œuvre projetée. « Guidé par le génie de l’observation, il hantait vallées et hauteurs sociales, étudiait comme Lavater, sur tous les visages, les stigmates qu’y impriment les passions et les vices, collectionnait ses types dans le grand bazar humain, comme l’antiquaire choisit ses curiosités, les évoquait aux places où ils

  1. Et réimprimé, très-augmenté, en 1866, sous le titre de Balzac moraliste, un vol. in-18 annoté par Alphonse Pagès. Michel Lévy frères. Une première édition de cet ouvrage avait paru chez Plon en 1852, sous le titre de Maximes et Pensées de H. de Balzac, in-18.
  2. Madame Laure Surville, Balzac, sa Vie et ses Œuvres d’après sa Correspondance.