Ah !
Je puis te rendre égale à ton Roi, si tu m’aimes,
Et mettre sur ton front charmant vingt diadèmes.
Oui, tu peux te donner des spectacles pompeux.
Déguiser ton esclave en reine, tu le peux,
Et charmer ton ennui par ces plaisirs futiles.
Oui, quand je t’ai vu tout d’abord, vainqueur des îles,
Possédant les forêts, les royaumes, les lys
Et les vastes pays que ceint le fleuve Halys,
Tes yeux semblaient de pourpre, et sur tes tresses noires
Je crus voir tournoyer les ailes des victoires.
Mais, Roi, de tels honneurs sont pour moi superflus.
On ne peut faire avec Rhodope rien de plus
Que Rhodope. Je fus esclave et courtisane,
Il est vrai, mais j’ai la fierté d’une titane.
J’étouffe dans ton ombre, et je trouve mauvais
Ton pain.
Je ne suis pas heureux, si tu savais…
Toi que servent si bien l’audace et la bravoure !
Je sens la trahison qui veille et qui m’entoure.
Je n’ai plus rien. J’ai pu voir mort le fier Atys.
Oui, cet enfant si beau, mon héritier, mon fils,
Je l’ai vu déchiré par la rouge blessure.
Le sang avait jailli sur sa belle chaussure
Et sa pâleur était celle d’un lys éclos.
Or, comme je voulus étouffer mes sanglots,
Respirant les hasards, la guerre, le voyage,
Voulant venger aussi mon beau-frère Astyage,
Furieux, poussé par je ne sais quel démon,
Obéissant encore à l’oracle d’Ammon,
J’attaquai Cyrus à Ptérie, en Cappadoce.