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ÉSOPE

Les chocs et les retours de la bataille atroce,
Maints combats où la guerre a fait son noir festin
Ont entre nous laissé l’avantage incertain,
Et Cyrus, que baigna la sanglante rosée,
N’a pas vaincu.

(Avec accablement).

N’a pas vaincu. Mais la Lydie est épuisée,
Et mon âme s’attriste à la chute du jour.
Enfin, j’avais pu croire, un instant, que l’Amour
Apitoyé, faisant de moi sa douce proie,
Me donnerait encore une dernière joie.
Si tu l’avais voulu, tu m’aurais consolé,
C’est fini, mon dernier espoir s’est envolé.
Ô Dieux immortels, sur mon empire qui sombre
Vient l’envahissement effroyable de l’ombre,
Si vous ne m’envoyez, quand je me sens perdu,
Quelque prodigieux secours inattendu.

(On entend des cris au dehors. Rhodope marche jusqu’à la terrasse qui s’étend au fond de la scène. Puis elle se penche et regarde).
Rhodope

Horreur !

Crésus

Horreur ! Quels sont ces cris affreux ?

Rhodope

Horreur ! Quels sont ces cris affreux ? Bandits féroces !

Crésus

Rhodope !

Rhodope

Rhodope ! Voir ainsi des spectacles atroces !

Crésus

Qu’est-ce donc ? Que vois-tu ?

Rhodope, étendant la main.

Qu’est-ce donc ? Que vois-tu ? Là, victime et jouet
Sinistre, un malheureux qu’on chasse à coups de fouet,
Hurle d’horreur, souffrant les angoisses dernières.