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ÉSOPE



Scène cinquième


CRÉSUS, ORÉTÈS, CYDIAS, ÉSOPE caché.
Crésus, faisant signe aux ministres d’approcher.

Pas un seul mot. Venez. — Que vous mandent les princes,
Les intendants et les gouverneurs de provinces ?

Orétès

Roi…

Crésus, ironiquement.

Roi… Que tout va bien sous mon règne glorieux ?
Ah ! je vois flotter comme une ombre dans vos yeux,
Enfin désabusés de l’espérance vaine.
Me tromper ! À quoi bon ? Ce n’en est pas la peine.
J’avais trop de bonheur, les Dieux m’en ont puni.
Taisez-vous. Le temps des mensonges est fini.
Quelque jour, il faut voir, quoi qu’on dise ou qu’on fasse,
La vérité. Je veux la regarder en face.
Il est temps. Devant moi, son maître et son gardien,
Le peuple de l’immense empire Lydien,
Vaincu par la misère, et de sa douleur ivre,
Chancelle et tombe, et n’a plus la force de vivre.

Orétès

Eh bien ! relevons-le ce peuple, devant nous.
Comme on fait d’un cheval tombé sur les genoux.
À coups de fouet.

Cydias

À coups de fouet. D’abord, il est bon qu’on nous craigne.

Orétès

Le maître est divin ; c’est par la terreur qu’il règne,
Déchaînant à son gré les sombres châtiments.

Crésus, tristement. Comme à lui-même.

Le commerce, les arts délicats et charmants