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le sang de la coupe

Enfin je t’ai donné, pour embellir ta cour
Et pour rendre les cœurs dociles à mes fêtes,
Tous ces voluptueux dont les âmes sont faites
Pour réfléchir la grâce et le divin contour,
Les peintres, les sculpteurs, et surtout les poëtes,
Célestes messagers amoureux de l’amour !

Je t’ai donné Ronsard et le tendre Racine
Qui savaient tous les deux la langue des amants,
La Fontaine et Musset, deux lyriques charmants
Dont la Muse s’abreuve à la même colline ;
Coysevox et Coustou, dont le caprice incline
Des marbres blancs et purs comme des diamants ;

Ingres, qui travailla pour les races futures,
Prudhon qui m’a touchée avec sa noble main ;
Pradier et Gavarni, qui rêvent en chemin
Un paradis confus de belles créatures ;
Et le divin Balzac, cet homme surhumain
Qui sait tous les secrets de mes triples ceintures !

Et maintenant, orgueil de ces coteaux penchants,
Ô Thébaïde ! ô ville interdite aux profanes !
Paris ! j’ai traversé les villes et les champs,
Et je viens voir, du haut de ces monts où tu planes,
Comment tu fais l’amour à ces belles sultanes,
Dans ces jardins, parmi ces marbres et ces chants !