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le baiser

Pierrot, ivre de joie.

Et je triomphe, sous le ciel de feux pourpré !

Urgèle.

Oui.

Désignant un pré voisin.

Oui. Mais, auparavant, allez voir dans ce pré
Si nul ne rôde, et si, pour lorgner mes épaules,
Quelque indiscret n’est pas caché là, sous les saules.

Pierrot.

Baste ! À quoi bon ? Ces bois sont aveugles et sourds,
Et tout Viroflay dort encore.

Urgèle.

Et tout Viroflay dort encore. Allez toujours.

Pierrot sort.
Urgèle.

Je ne regrette rien, près de cet être blême.
J’ai promis, et je pense, en effet, que je l’aime.
En somme, je serai sa femme, sans ennui.
Pourtant, c’est un instant bien grave que celui
Où la femme, pensive en de molles alarmes,
Comme un guerrier vaincu, laisse tomber ses armes.
Ah ! j’aimais à voler, blanche, dans un rayon,
Fille de la lumière et de l’illusion,
Et je baisais la bouche adorable des roses !