Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/107

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jour plus de poussière dans ses plis, la tempe creuse, les lèvres rigides, les sourcils entassés sur ses yeux sinistres, elle ressemblait à la Maugrabine qui avait tant frappé l’imagination de sa mère. L’impression qu’elle causait à son ancien amant était glacée ; il ne la tenait plus sur ses genoux, leurs bras s’étaient dénoués, et ils étaient placés assez loin l’un de l’autre sur le divan verdâtre, — sur ces hippogriffes, symbole d’un caprice qui ne les enlevait plus sur ses ailes !

Combien de temps demeurèrent-ils dans ce silence, gros de pensées ? ils ne le surent pas. Mais la nuit s’avançant, Oliva, étonnée de ne rien entendre venir de l’appartement de sa maîtresse, entra et les vit debout, tous les deux, auprès du feu qui s’éteignait. M. de Marigny ramenait à ses épaules le manteau tombé sur le divan. Il allait sortir. Quant à la señora, elle était impassible.

« Éclairez M. de Marigny, — fit-elle à Oliva, — et en revenant apportez-moi une cassette de bois de santal, posée sur l’étagère de ma chambre.

« Buenas tardès ! — ajouta-t-elle dans sa langue, comme elle disait à Marigny depuis des années, chaque soir qu’il allait la quitter.

Conquè vamos ! » — répondit-il avec un accent qu’il tenait d’elle. Et, sans lui prendre