Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/166

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chanté, le digne ami, de m’exaspérer ; — elle aura excité la jalousie de son mari, tout en se montrant vertueuse, et elle aura probablement décidé le très correct sir Reginald Annesley, le plus gentleman des baronnets, à n’agir plus avec vous comme un homme du monde, mais comme un mari renseigné.

« Un tel langage m’était intolérable, mais je ne pouvais faire un tort à Alfred de Mareuil de me le tenir. Il était amoureux comme moi de madame Annesley. Pour cette raison, j’aurais eu mauvaise grâce aussi de lui demander à favoriser des entrevues devenues à peu près impossibles. Excepté au Bois et à l’Opéra, je ne pouvais guères espérer rencontrer la Malagaise quelque part. On était au milieu de l’été. Il n’y avait plus personne à Paris. Et d’ailleurs, cet Anglais de tripot plus que de salon et cette femme épousée par amour, mais enfin d’un passé suspect, seraient-ils allés dans le monde si le monde avait été là ?… Le Bois et l’Opéra étaient deux bien faibles ressources. Jamais la voiture de madame Annesley ne s’arrêtait pour moi quand je la saluais. Et puisque sa maison m’était fermée, sa loge à l’Opéra m’était naturellement interdite… Comme elle n’y posait pas à la manière des femmes de France, je ne voyais guères, — quand elle y était, — de l’orchestre où je la lorgnais, que