Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/194

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« Et en effet, marquise, c’était elle, chez moi ! assise sur le bord de mon lit ! Comment y était-elle venue ? Elle ! Vellini, mon ennemie ! cette femme cruelle qui avait voulu me voir mourir.

« Je crus à quelque épouvantable ruse, à quelque lâche ironie de cette femme vindicative et haineuse, qui comptait peut-être, sur ma blessure pour braver sans péril la passion dont elle venait attiser et tromper les ardeurs.

« — Ah ! — pensais-je, — tu te risques dans l’antre du lion, imprudente !

« Je me soulevai sur mon séant. Mon visage disait trop ma pensée. Elle me devina.

« — Restez ! — reprit-elle. — J’ai fait ce que vous allez faire. La porte est fermée à double tour. Voici la clef.

« Et elle me la tendit comme on offre les clefs d’une ville à un vainqueur.

« — Je n’ai pas peur, Ryno, — dit-elle en croisant les bras avec résolution sur sa poitrine ; — j’ai assez lutté, mais je suis vaincue. Je ne me donne pas : vous m’avez prise ; faites de moi ce que vous voudrez.

« C’était clair et hardi dans sa soumission même. Cependant ce n’était pas assez… Il est des bonheurs tellement grands, tellement inespérés, que, quand ils tombent à vos pieds un