a pris son parti et qui ne veut plus s’abuser. Elle ne demandait pas follement à son cœur ce que son cœur lui eût refusé. Mais, fille d’une terre superstitieuse, âme frappée d’une sombre manie, l’amour pour elle avait beau mourir, le bonheur qu’il avait donné devenir impossible, l’existence se scinder et aller par des côtés différents, elle croyait que toujours nous reviendrions, fût-ce du bout du monde, des quatre points cardinaux de la vie, échouer fatalement dans les bras l’un de l’autre, comme sur un double écueil : « J’ai bu de ton sang, — disait-elle ; — tu as bu du mien. C’est là un charme auquel croyait ma mère. De l’influence terrible et sacrée de cette communion sanglante, nous en avons pour jusqu’à la mort… » Je l’écoutais me dire ces choses avec un sourire incrédule. Mais tout, avant et même depuis la séparation consommée, ne semblait-il pas donner raison à ces superstitions que je méprisais ? Nous vivions comme un frère et une sœur ; mais certains troubles passaient encore, comme une ventilation de feu, à travers cette fraternité qui eût dû être si chaste et si forte, puisqu’elle venait après les expériences de l’amour. Elle n’était jamais pour moi comme une autre femme. Quand nous causions avec le plus d’indifférence, la fumée de son cigare ne passait point de ses lèvres
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