Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/244

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de la femme. Mais la convenance avait tout naturellement posé entre elle et eux une noble réserve. À présent, cette réserve n’avait plus besoin d’exister, au même degré du moins. Vellini reprenait une position indépendante. Vis-à-vis des autres, elle ne devait plus son affection à personne. Elle pouvait disposer entièrement d’elle-même. Parmi les jeunes gens qui lui avaient toujours fait une cour assidue, ceux qui l’aimaient réellement étaient plus libres dans l’expression de leurs sentiments. Je voyais tout cela avec plaisir. Je me disais que c’était là des intérêts pour elle ; et, soulagé de son avenir, je me replongeais dans le monde, dans le jeu, dans les excès qu’elle avait interrompus et remplacés, elle, mon seul excès, ma seule folie pendant six ans !!! Comme on pouvait supposer qu’elle tenait encore à moi, car la vanité d’un amour qui a duré longtemps est le dernier lien qui en reste, je ne doutais pas que les hommes qui la désiraient ne la missent au courant de toutes mes démarches, espérant profiter d’un dépit qu’ils auraient fait naître dans cette âme violente ; mais si cela fut (et Vellini me l’a dit depuis), je ne pus vers cette époque m’en apercevoir à son humeur ou à sa façon avec moi. Elle me recevait toujours avec la même familiarité tranquille et hardie qui attestait éloquemment notre passé.