Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/76

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« Allez donc, vicomte ! — fit Mme d’Artelles. — Tâchez de m’avoir des détails ; tâchez de savoir par quel diabolique talisman cette femme, qui n’est ni jeune, ni belle, dites-vous, a pris sur M. de Marigny un ascendant qu’elle n’a jamais perdu, tandis que cette pauvre madame de Mendoze, par exemple, tue sa jeunesse et sa jolie figure dans les larmes, pour un homme qui a la monstrueuse ingratitude de ne pas même s’en apercevoir.

— C’est difficile, c’est difficile, — répondit le vicomte. — La drôlesse est insaisissable. Elle ne répond à aucune question et elle échappe à l’observation la plus aiguisée. C’est du feu grégeois ou du vif-argent incarné… de manière que… de manière que…

— … Vous ne voyez rien à travers vos lunettes, mon cher contemporain ? — interrompit la comtesse, jouant l’incrédulité avec une câlinerie perverse. — Dois-je croire cela de votre ancienne sagacité ?

— Oui, ma chère, croyez-le, — fit le vicomte, obligé, acculé à être vrai. — J’ai su les femmes autrefois. J’ai connu leurs mille diableries pour nous faire, quand ça leur convient, marcher à quatre pattes comme feu Nabuchodonosor. Mais, voyez-vous ! la Vellini n’a pas d’analogue dans mon répertoire de souvenirs. On ne comprend rien à celle-là !