Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/136

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lui rappelaient, avec une énergie dont le secret était dans les émotions de la veille, la main qui les lui avait offerts. En courant, ivres de grand air, sur le revers de la falaise, ces nobles bêtes semblaient tracer autour de lui, avec leurs dos blancs et mouchetés, les lettres du nom de Vellini, comme une fatidique arabesque. Il était donc écrit que nulle part il n’échapperait à cette pensée, qu’il avait tenue sous lui, comme le cadavre d’un vaincu, mais qui se relevait. « Hermangarde ! Hermangarde ! » disait-il en marchant, comme le dévot qui invoque Dieu quand les pensées du démon lui viennent. Eh ! qui n’a pas répété parfois le nom fortifiant de la femme aimée ? Qui ne s’en est pas couvert aux jours de défaillance, comme d’un bouclier enchanté ? Quand Marigny, en répétant ce nom, regardait dans son âme, il était sûr que son amour n’avait pas baissé ; qu’il y battait son plein comme cette mer qu’il voyait à ses pieds battre le sien sur la grève sonore, dans la force calme de sa toute-puissance. Elle était alors admirable et au point le plus élevé de son niveau. Les brises, chargées de nitre, creusaient en petites et molles ondes sa surface, labourée par de longs zigzags écumeux. Le ciel reflétait à l’horizon les nuances pâles d’émeraude de cette mer solitaire, qui comme une femme fière, dont le sein ne porte l’image