Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/173

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par le cœur qui revient au cœur. Ryno le voyait bien. Il pouvait dire, à chaque minute de la vie, dans quel organe de cette femme, si secrètement atteinte, passait ou s’arrêtait le poison subtil qui était tombé de sa main, à lui ! Cette souffrance cachée qui résistait à tout, lui jetait parfois au cœur d’âpres et de courts ressentiments. Alors, lui qui savait sa puissance, l’évoquait, prêt à s’en servir, prêt à en abuser. Dieu de cette femme et par cette femme, il faisait lever et monter et passer l’océan de feu des caresses sur cette petite tache qu’il n’emportait pas, qu’il ne balayait pas, et qui restait comme le sang sur la main de lady Macbeth. Dans ces moments (les femmes pures s’en étonneront-elles ?), Hermangarde ne tendait pas, comme autrefois, sa poitrine à la foudre. Une inexprimable alarme de tous les sentiments de son être la retenait contre le cœur de son mari, semblable à un oiseau craintif qui mettrait sa tête sous son aile. Si elle ne s’en arrachait pas, c’est que peut-être il était toujours le Ryno de ses rêves et de son mariage, mais, mon Dieu ! où en est le bonheur de l’amour, lorsque le doute nous vient faire trembler sous la loyauté des caresses ?

Ce doute rendait tout impossible. Elle avait bien eu la pensée d’écrire à sa grand’mère ce qui lui pesait sur le cœur. « Mais à quoi bon —