Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/18

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palinodie, vous imaginer qu’il m’a séduite aussi, ce grand vainqueur ; qu’il se soit emparé de moi comme il l’avait fait de la marquise avant son mariage, et qu’à force d’amabilités respectueuses, avec le tact prodigieux qu’il a et l’esprit de tout un enfer sous les grâces impérieuses d’un de ces archanges qu’on appelle les Dominations (car il a tout cela à son service, quand il veut réussir), il m’ait aveuglée après m’avoir conquise. Non ! Je n’ai pas l’imagination éternellement jeune de la marquise. J’ai toujours constaté la force d’influence qu’il y avait en M. de Marigny, mais je ne l’ai jamais subie. Je ne me pique que d’être raisonnable, et je me tiens ferme bien longtemps appuyée sur mes préventions, quand j’en ai. Dans ces conditions, et pour une femme qui aima jadis, l’erreur ou l’illusion était-elle possible ? N’est-il pas aisé de distinguer l’amour de ce qui n’est pas l’amour, fût-ce le désir le plus inextinguible, allumé par la plus adorable beauté ? Certes ! Hermangarde est bien belle. Elle peut ressusciter dans la poitrine du libertin le plus prostitué les plus brûlantes palpitations de la jeunesse. Mais ce n’est pas là la vie profonde, sereine, permanente de l’amour heureux et possesseur. Je ne m’y trompe pas. Je suis sûre de ne pas m’y tromper. Ce qu’éprouve Marigny en ce