Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/241

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Veilini, du reste, apprenait au sein de ces désordres combien l’image d’Hermangarde était profondément gravée dans l’âme de Marigny ; car c’était Hermangarde qui se retrouvait au fond de cette expiatrice horreur que Ryno montrait, dans ces plaisirs qu’il voulait tarir pour que jamais il n’y en eût plus pour lui de pareils ! Seulement, ses remords, qui ne diminuaient pas son délire, ce sacrifice d’une fidélité qu’il regrettait tout en la perdant, devaient attacher au front de l’Espagnole la couronne de l’orgueil triomphant par-dessus l’autre couronne des désirs heureux. Il n’en était rien néanmoins. Une autre femme que Vellini aurait exprimé, comme un citron piquant, tous les sucs de la vanité satisfaite dans cette coupe où la Volupté leur versait la poussière d’émeraude de ses plus brûlantes cantharides. Mais elle, cette fille d’un jet si franc, ne se repliait pas dans son orgueil vers Hermangarde, et ne se repaissait point, dans sa pensée, des humiliations de sa rivale. L’entraînement de Ryno, elle ne s’en parait point avec le faste de la victoire. Elle l’expliquait par les superstitions de toute sa vie, comme le sauvage explique l’univers par le Manitou qu’il emporte roulé dans son pagne. Elle croyait au philtre qu’ils avaient bu dans les veines l’un de l’autre, comme si on avait besoin d’un philtre pour expliquer les anciens abandons revenus,