Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/243

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deux cailloux, les perles que ma folle et bien-aimée mère détachait de ses oreilles pour me les donner ? »

Et il la laissa dire, dans cette longue contemplation muette dont elle le frappait toujours. Naturelle et bizarre tout ensemble ; enfant, femme, animal, Chimère, un composé de tant de choses divinement pétries ; une statuette humaine, faite — comme la foudre des Anciens — de trois rayons, tordus par la main de Dieu !

Le feu s’éteignit dans l’âtre. La flamme de la lampe s’en allait, maigrissant, contre le mur. La chaumière trempait toute dans l’ombre. Il n’y avait plus d’éclairé par les charbons du foyer et la flamme vacillante, que le groupe qu’ils formaient sur les gerbes. Groupe difficile à saisir dans l’ensemble de son contour, sous ces lueurs errantes, coupées d’obscurités, lignes brisées qu’on ne suivait pas d’un seul regard. Ce n’étaient plus les chastes poses de l’Amour conjugal, que le séraphique Swedenborg a appelé le roi des Amours, et qu’il a symbolisé ans les cygnes, les oiseaux de Paradis et les tourterelles. C’étaient des attitudes lassées, déchevelées ; des reploiements de corps alourdis. Vellini, dont le pied crispé dans quelque pâmoison avait rejeté une de ses mules moresques, était plus que jamais, avec son miroir constellé, la sorcière au pied nu, qui vient de faire son charme,