Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/245

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alors ! quelle jeunesse ressuscitée ! La présence de Ryno sur mes yeux, le soleil de Malaga sur mes bras, ce soleil qui m’a doré la peau toute petite, et me l’a faite comme tu la vois ! Ah ! cariño, voilà l’idée qui m’est venue et que j’ai caressée dans mon sein comme un oiseau qu’il faut tuer ! Car je me disais que c’était fou, — ajoutait-elle, s’apercevant qu’il avait tressailli sous sa parole, comme si elle l’avait galvanisé, — je me répétais, pour m’apaiser, que tu ne voudrais jamais quitter Hermangarde ; que tu ne consentirais jamais à lui briser le cœur… et alors, moi… je brisais mon rêve sur le mien. »

Éloquence singulière, farouche et tendre, hypocrite et vraie, dont les mots pressés sur ses lèvres, comme les gouttes d’un orageux fluide, pénétraient Marigny et se coulaient, dans son être ému, par torrents.

— « Mais si nous ne partons pas, — reprit-elle, incertaine, n’osant croire que le lazo invisible qu’elle lui jetait autour du cœur y fût bien noué, — si le brick Malagais va laisser la Vellini sur ce rivage, dis-moi au moins, Ryno, que nous pourrons toujours nous y rejoindre et nous y revoir, de temps en temps, pour quelques heures, comme nous l’avons fait aujourd’hui. Ah ! cela, Ryno, n’est pas un rêve ! En est-ce un ? — fit-elle avec des modulations d’amour soumis dans la voix, douces comme les