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elle, comme elle était douce avec lui ; se surprenant parfois à être tendres, mais tristes tous deux, comme si tous deux ils avaient eu la conscience de l’irréparable, ils eussent offert à l’observateur un touchant problème de sentiment, mais insoluble. Tout le temps qu’elle avait été malade, Ryno l’avait soignée avec un dévouement sous lequel battait le désir d’une réparation impossible. Le dictame qui guérit tout, il ne l’avait plus. Lui, cet homme taillé pour les succès extérieurs, ce satrape de salon, d’un esprit si retentissant quand il en sonnait les fanfares, avait eu la coquetterie des soins imperceptibles, des mille grâces voilées de chambre à coucher qu’ont les femmes, quand elles soignent ceux qu’elles aiment. Le jour où elle parla d’aller à l’église, il consulta le temps, le degré de température, ordonna qu’on chauffât la voiture et voulut l’accompagner. Ce fut elle qui s’y opposa. Elle désirait être seule pour faire ses dévotions, dit-elle. Il n’insista pas et elle partit.

C’était un jour de la fin de février, — journée d’hiver presque douce comme un jour d’automne, et baignée dans quelques heures d’un pâle soleil. Énervé par la vie close et douloureuse qu’il avait menée depuis trois semaines, Marigny descendit prendre l’air sur les marches de l’escalier qui conduisait des murs du manoir