Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/271

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au Bas-Hamet, par la neige et le froid sur ces grèves, exposée aux insultes des contrebandiers ou des matelots. Elle avait tout bravé, mais elle y était venue, poussée par une jalousie couvée longtemps. Elle nous avait vus par la fente du volet de ta cabane, et elle n’avait pas crié ; elle avait eu la force de rester là et de s’en retourner comme elle était venue, mais avec des certitudes, avec des spectacles pires que la mort, dans le cœur. Dieu, qui avait eu pitié d’elle, lui avait mesuré ses forces et elle ne s’était évanouie qu’au pied de son lit, en rentrant. C’est là que je l’ai retrouvée… Ah ! Vellini, je n’oublierai jamais le moment où je la pris dans mes bras chauds de toi et où je la retiédis de la vie que tu y avais laissée. Elle fut longtemps dans un état désespéré. Son délire m’apprit ce qu’elle avait fait, — car depuis, le croiras-tu ? elle ne m’a rien dit qui fût une plainte ou un reproche. Elle a une fierté douce que tu admirerais.

— Pauvre Hermangarde ! » fit Vellini attendrie, et une larme se montra dans les cils de ces yeux que les hommes trouvaient féroces. Ryno fut touché de cette larme. Il la but aux yeux qui la contenaient avec une triple soif d’amour, de générosité, de justice. Ah ! la séduction par la générosité est la plus puissante sur les âmes sincères ! Quand nos vieilles maîtresses