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existence d’intérieur, ne s’était point démentie. On la voyait assise à la place consacrée, dans une vaste bergère, posée contre le trumeau entre la cheminée et la fenêtre. Cette bergère de satin clair broché, et que le temps avait un peu jaunie, était, avec une autre entièrement semblable et probablement destinée à madame d’Artelles, les deux seuls meubles d’une époque moderne qu’il y eût dans ce vaste salon, décoré à la Louis XIII, et dont l’ameublement de velours ponceau et de chêne sculpté étalait gravement un luxe royal. Elles faisaient là, du reste, comme un contraste singulier. Elles avertissaient suffisamment l’observateur de la différence des temps et de l’amollissement des races. Ces femmes, nées sous les courtines des lits Pompadour, et qui, sans la Révolution française, n’eussent jamais pris la peine de marcher à pied, n’auraient pu soutenir la fatigue de rester longtemps dans un de ces grands fauteuils où la reine Marie de Médicis se tenait, toute droite sous son busc. Leurs corps affaiblis avaient besoin de retrouver les molles sensations d’une jeunesse à laquelle il avait fallu, pour apprendre le pli de la rose, l’écroulement d’une monarchie.

Lorsque madame d’Artelles souleva la portière du salon, la marquise de Flers était seule, les mains nues et oisives, comme toujours ;