Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/293

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pêchent. Elle le regardait à cette lueur rougeâtre… La pitié ne respirsait pas en elle, à l’aspect de son ancien amant malheureux, mais l’attention froide, profonde, inflexible. Elle étudiait le visage altéré de Ryno, comme le chirurgien étudie les dernières crispations des fibres, avant qu’elles cessent de tressaillir.

On le sait, elle avait sa conviction exaltée que l’amour de Marigny pour Hermangarde n’aurait qu’un temps, et elle se demandait si ces douleurs en étaient, alors, les dernières phase.

— « Tu l’aimes donc toujours, puisque tu souffres ainsi ? — lui dit-elle de sa voix basse et étendue.

— Je ne l’ai jamais plus aimée ! — dit Ryno, avec une mélancolie passionnée. — Ni sa froideur, ni le sentiment de mes torts, ni l’ivresse puisée sur ton sein, Vellini, ni cette intimité de dix ans, refaite par nous en secret, sur cette côte perdue, et qui devrait être, n’est-ce pas ? une diversion puissante à cet amour que je sens pour elle, n’ont pu l’affaiblir dans mon cœur. Je l’aime autant que si elle était la jeune fille d’il y a quinze mois ! Que dis-je ? je l’aime davantage. Ce que j’éprouve auprès de toi, Vellini, ne ressemble en rien à ce que je sens près d’elle. Vous n’êtes rivales que de nom. Toi, tu es un de ces êtres qu’on ne sait com-