Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/294

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ment nommer, un inexplicable pouvoir fait avec les débris d’un amour détruit, qui, à certains jours, se mettent à reflamber comme des laves mal éteintes. Mais elle, Vellini, c’est l’amour même, avec ses voluptés et ses souffrances. Le bonheur qu’elle m’a donné, j’en ai soif toujours. Je n’en ai pas perdu le goût, même sur tes lèvres rouges, quand je les ai retouchées des miennes, ô mon brasier ! Tu ne m’as rien fait oublier d’elle. Le sentiment de son amour blessé m’interdit le bonheur dans ses bras, mais cette fierté la rend plus noble à mes yeux, comme elle la rend plus belle. Elle augmente tous les désirs de mon amour. Vivre près d’elle, comme j’y vis maintenant, dans tous les détails de la vie domestique, et ne pas oser lui montrer, à cette femme qui est à moi pourtant, qui est ma femme aux yeux de Dieu et des hommes, au nom de tout ce qu’il y a de plus sacré dans les sentiments et dans les lois ; ne pas oser lui montrer ce qu’elle est pour moi, rester avec le poids de mon âme, lié de respect à ses pieds et mourir à chaque instant de ce supplice, ah ! voilà ce que tu ne comprendras pas, Vellini, toi qui fais toujours ce que tu veux ; toi qui n’as jamais résisté bien longtemps à ton impétueuse nature. Mais sache-le de moi, c’est bien cruel ! »

Son angoisse était si sincère, qu’ils restèrent