Page:Barbey d’Aurevilly – Du dandysme et de Georges Brummell.djvu/54

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ces commérages ? Il y a mieux. En effet, Brummell donné, il était impossible qu’il n’attirât pas l’attention et les sympathies de l’homme qui, disait-on, était plus fier et plus heureux de la distinction de ses manières que de l’élévation de son rang. On sait d’ailleurs l’éclat de cette jeunesse qu’il essaya d’éterniser. À cette époque, le prince de Galles avait trente-deux ans. Beau de la beauté lymphatique et figée de la maison de Hanovre, mais cherchant à l’animer par la parure, à la vivifier par le rayon de feu du diamant ; scrofuleux d’âme comme de corps, mais n’ayant pas du moins dégradé la grâce en lui, cette dernière vertu des courtisans, celui qui fut Georges IV reconnut en Brummell une portion de lui-même, la partie restée saine et lumineuse, et voilà le secret de la faveur qu’il lui montra ! Ce fut simple comme une conquête de femme. N’y a-t-il pas des amitiés qui prennent leur source dans les choses du corps, dans la grâce extérieure, comme des amours qui viennent de l’âme, du charme immatériel et secret ?… Telle fut l’amitié du prince de Galles pour le jeune cornette de hussards : sentiment qui était de la sensation encore, le seul peut-être qui pût germer au fond de cette âme obèse, dans laquelle le corps remontait.