Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/188

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arcades noires où l’on ne voyait rien, entre ces piliers blancs où il avait porté peut-être la sentinelle égorgée ; mais bah ! il saurait bien nous retrouver, et nous franchîmes au pas accéléré la deuxième cour, aussi déserte que la première, pour arriver d’une haleine à la prison qui était au fond de la troisième… Ah ! nous allions vite ! Nous avions aux reins la pique de la nécessité ! Nous vîmes vaciller une lueur à un petit corps de bâtiment avancé, attenant à la geôle et qui ressemblait à ce qu’on appelle, en terme de construction militaire, une poivrière. Le geôlier n’était pas couché. Ce n’était plus l’énergique Hocson d’Avranches, avec son cœur désolé et implacable ; c’était tout simplement, celui-là, une bête brute à bonnet rouge, savetier, pour les gens de la ville, entre deux tours de clefs. Comme c’était jour de décade ce jour-là, et qu’il avait à livrer le lendemain des chaussures à ses pratiques, il veillait… Sa femme et sa fille, une enfant de treize ans, dormaient dans une espèce de soupente très élevée et à laquelle on montait avec une échelle. Nous vîmes tout cela à travers une vitre crasseuse qu’une lampe à crochet éclairait d’un jour rouge et fumeux… Nous ne le prévînmes pas ; nous ne l’appelâmes pas ; nous ne frappâmes pas doucement à sa porte ; mais, poussés par cette nécessité d’agir à la manière des boulets, comme