Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/189

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l’avait dit M. Jacques, des onze crosses de nos carabines, qui ne firent qu’un seul coup dans cette porte, nous la fîmes voler sur ses gonds et nous tombâmes comme un tonnerre sur cet homme terrassé d’abord, puis relevé de terre, mis sur ses pieds et tenu au collet par deux poignes vigoureuses, avec injonction, le couteau sur le cœur, de livrer ses clefs et de nous conduire à Des Touches. Vous le savez, monsieur de Fierdrap, les Chouans avaient une renommée sinistre, et parfois ils l’avaient méritée. On les voyait toujours un peu à la lueur des horribles feux qu’ils allumaient sous les pieds des Bleus. L’épouvante publique leur donnait un des noms du diable : on les appelait Grille-pieds. Nous profitâmes de cette affreuse réputation des Chouans pour terrifier le misérable que nous tenions, et Campion, qui avait les sourcils barrés et la face terrible, le menaça de le faire griller comme un marcassin de basse-cour seulement s’il osait résister. Il ne résista pas. Il était dissous par la surprise et par la peur, une peur idiote et livide. Il livra ses clefs, et traîné par deux d’entre nous, il nous mena au cachot de Des Touches. Sa femme et sa fille étaient restées plus mortes que vives dans leur soupente ; mais pour qu’elles n’en descendissent pas et n’allassent avertir, nous renversâmes l’échelle. La terreur leur coupait la gorge. Elles