Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/43

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Mesdemoiselles de Touffedelys étaient plus que jamais suspendues aux lèvres de l’abbé, et mademoiselle de Percy avait laissé tomber sa tapisserie sur ses genoux et continuait de fixer son frère avec une attention concentrée.

— J’ai dîné aujourd’hui, dit l’abbé toujours debout, chez notre vieil ami de Vaucelles avec Sortôville et le chevalier du Rifus, lesquels, après le dîner, se sont campés, selon leur usage des vendredis, à leur whist de fondation, et même ont voulu me garder, moitié pour épargner à du Rifus l’ennui de faire le mort, qu’il fait très-mal avec ses distractions perpétuelles, et moitié pour moi, à cause de la pluie. Mais comme mon bougran ne craint pas plus l’eau que les plumes d’une sarcelle, ils ont chanté tout ce qu’ils ont voulu et je m’en suis allé malgré le temps, un temps à ne pas mettre un chien dehors, comme on dit. Or, de la rue de Poterie à la rue Siquet, je n’ai rencontré âme qui vive, si ce n’est pourtant le perruquier Chélus, ce maître ivrogne qui marchait en dessinant des tire-bouchons sous la pluie et qui m’a grasseyé, en passant, le bonsoir d’une voix barbouillée ; mais, au sortir de la rue Siquet et quand j’ai tourné le coin de la place, ramassé sous mon parapluie pour éviter le vent qui me fouettait l’averse au nez, j’ai tout à coup senti une main qui m’a saisi le bras avec violence, et