Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/83

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Bonaparte qu’il charmait les balles et les boulets. Ils se connaissaient en audace. L’audace du chevalier ne les troublait donc pas, mais ils avaient besoin de s’expliquer son bonheur par une de ces idées superstitieuses qui sont familières aux matelots.

« Il aurait dû, en effet, vingt fois être pris ou succomber dans ces terribles passages ! Ce bonheur insolent et constant, cette imprudence si souvent recommencée et d’un résultat toujours assuré, donnaient à Des Touches une importance considérable parmi les autres officiers de la chouannerie du Cotentin. On sentait que, s’il périssait, on ne le remplacerait pas ! D’ailleurs, il n’était pas qu’un courrier, infatigable et intrépide, qui savait son détroit de mer, comme certains guides pyrénéens savent leurs montagnes. Partout, dans le hallier, dans l’embuscade, au combat, lorsqu’il fallait jouer de la carabine ou s’estafiler corps à corps avec le couteau, c’était un des chouans les plus redoutables, l’effroi des Bleus, qu’il étonnait toujours, en les épouvantant, quand, dans une affaire, il déployait tout à coup, à travers ses formes sveltes et élégantes, la force terrassante du taureau ! C’est la guêpe ! disaient-ils, les Bleus, en reconnaissant dans la fumée des rencontres cette taille fine et cambrée, comme celle d’une femme en corset : Tirez à