Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/84

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la guêpe ! Mais la guêpe s’envolait toujours ivre du sang qu’elle avait versé ; car elle avait une vaillance acharnée et féroce. En toute occasion, ce mignon de beauté était et restait l’homme du pouce si cruellement mordu et coupé à la foire de Bricquebec ; le visage blanc, à la lèvre large et rouge, signe de cruauté ! dit-on, et qu’il avait aussi rouge que le ruban de votre croix de Saint-Louis, monsieur de Fierdrap ! Ce n’était pas seulement le fanatisme de sa cause qui l’exaltait quand, avant ou après le combat, il se montrait implacable. Il était chouan, mais il ne semblait pas de la même nature que les autres chouans. Tout en se battant avec eux, tout en jouant sa vie à pile ou face pour eux, il ne semblait pas partager les sentiments qui les animaient. Peut-être chouannait-il pour chouanner, lui, et était-ce tout ?… Ces compagnons, ces guérillas, ces gentilshommes n’avaient pas uniquement Dieu et le roi dans leur cœur. À côté du royalisme qui y palpitait, il y avait d’autres sentiments, d’autres passions, d’autres enthousiasmes. La jeunesse ne sonnait pas vainement, en eux, son heure brûlante. Comme les chevaliers, leurs ancêtres, ils avaient tous ou presque tous une dame de leurs pensées dont l’image les accompagnait au combat, et c’est ainsi que le roman allait son train à travers l’histoire.