Page:Barbey d’Aurevilly - À côté de la grande histoire, 1906.djvu/292

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homme d’État, impossible, il est vrai, dans une monarchie impossible et qui frappait tout de son impossibilité. Puis, encore, ç’a été les Mémoires de Metternich, qui ont trompé si misérablement l’espoir de l’intérêt immense qui s’attachait à ce grand nom de Metternich. Enfin, voici deux autres diplomates, hommes très distingués, mais à des titres très différents ; car Donoso Cortès, ce Joseph de Maistre espagnolisé, ce Joseph de Maistre de profond devenu sonore, est plus près de la gloire, cette fille du vulgaire, que le comte Racsynzki, qui est resté toute sa vie dans la haute et mystérieuse sphère de son action, d’où l’on veut le descendre dans le jour commun de la publicité. Et, tous les deux, voici qu’ils font la preuve, à leur tour, que la Diplomatie, dont le plus grand mérite pendant l’action est presque toujours le silence, après l’action, devrait aussi le garder… Talleyrand, qui fut le plus silencieux des diplomates, Talleyrand qui n’écrivait que des billets, ne disait que des mots, et dont toute la puissance ne fut guères que dans des monosyllabes et des airs, avait-il conscience de cela quand il prescrivait de ne publier ses Mémoires que trente ans après sa mort ?… Il connaissait bien la nature humaine et son lâche penchant à tout oublier ! Trente ans, pour lui, c’était une époque déterminée pour une époque indéterminée. Après trente ans, qui se soucie de quelque chose ? Ces trente ans narquois sont passés maintenant, et les Mémoires mystificateurs