Page:Barbey d’Aurevilly - À côté de la grande histoire, 1906.djvu/293

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’apparaissent pas à l’horizon. Ils n’y apparaîtront peut-être jamais, et, pour leur auteur, ce sera probablement tant mieux !

Que nous diraient-ils, en effet ? que nous apprendraient-ils, en restant dans leur diplomatie ?… En histoire, les résultats importent seuls, et l’Histoire les sait et les dit sans avoir besoin de connaître les infiniment petits moyens à l’aide desquels ils ont été obtenus, en supposant qu’on pût les dire, — ce qui n’est pas. L’action diplomatique, quand elle est réelle et effective, tient si intimement à la personne, au corps qui parle au corps, — comme dirait Buffon ; elle tient tellement à des séductions subtiles et relatives et à d’inexprimables manières, que celui qui l’a exercée n’est pas capable de la raconter. D’ailleurs, elle est, de sa nature, quelque chose d’inférieur, et les choses inférieures ne méritent pas d’histoire…

Certainement, si le diplomate est un observateur ou un écrivain de génie, il verra les choses et les dira comme le génie ; mais, alors, sa spécialité de diplomate sera débordée… La diplomatie ne sera pour rien dans sa supériorité d’aperçu et de style. Il ne sera qu’un heureux hasard, un homme de génie tombé dans la diplomatie, comme il pouvait très bien tomber ailleurs ! De cela seul qu’il est un diplomate, par exemple, il ne s’ensuit nullement qu’il soit un homme d’État. Les diplomates servent aux hommes d État, mais ils n’ont aucune initiative ; ils dépendent du mi-