Page:Barbey d’Aurevilly - Amaïdée, 1890.djvu/90

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pourquoi elle était venue ! Mais cet amour s’est usé en quelques mois, trame précieuse employée à trop d’usages pour pouvoir résister longtemps. Cette vie nouvelle que je lui créais ne l’a retenue que parce qu’elle lui était nouvelle. Mais cette vie s’adressait trop à des facultés qui ne s’étaient jamais éveillées dans son âme, qui y étaient mortes en germe sous les affadissements de la volupté, pour que bientôt elle ne s’en détachât pas. »

En achevant ces calmes paroles, Altaï tendit une lettre à Somegod. Celui-ci la prit et la lut sous les rouges rayons du couchant, qui semblait se dépouiller de sa toison de pourpre pour revêtir la terre, magnifique charité d’un beau ciel aux obscurités d’ici-bas !

« Quand tu liras cette lettre, ô Altaï ! je serai partie. J’aurai regagné les villes d’où je viens. M’accuseras-tu, toi que j’ai aimé et qui ne m’as pas aimée, toi, le seul homme de la terre dont je redoutasse le mépris ? Hélas ! si tu m’avais aimée, j’aurais oublié la vie écoulée, je serais peut-être devenue forte comme toi, j’aurais peut-être résisté au calme étrange de la solitude dans laquelle tu m’avais déposée. Cela m’a