Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/120

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sières d’un mensonge qui nous avilirait tous les deux ?…

— C’est vrai ! — dit-il, en penchant sa tête sous la croix de cette démonstration ; et il recommença de gravir ce Golgotha de l’impossible, que tout homme monte pour aller mourir au sommet.

Un peu plus d’ombre tomba dans l’appartement déjà obscur.

— Voyez-vous, — reprit-il, — plus de lumière là où il y en avait ! — Et, du doigt, il lui indiquait le rideau incarnat avec mélancolie : — Ce serait déjà fini si vous aviez voulu !

— À mon vouloir non plus qu’à votre parole, Allan, — dit madame de Scudemor, — il ne reviendrait pas plus de lumière là qu’ici ! — et elle posa sa main sur son cœur. Cependant le vent apportait l’odeur des fleurs nocturnes du jardin, et le ciel rose changeait de couleur à travers les jours de la persienne…

— Eh bien, — s’écria-t-il violemment, — à moi les ténèbres ! — À la fin, la passion se levait. Voilà qu’il saisit, des deux mains, le corsage. Il se jeta dessus, comme Achille sur l’épée, et l’enfant monta jusqu’à l’homme !

Un imperceptible mouvement en arrière avait échappé à madame de Scudemor, mais l’héroïque femme se rapprocha d’Allan comme si elle eût voulu châtier en elle l’instinct révolté… Allan bondit, en se rejetant à l’extrémité du divan, comme si à l’instant, sous ses pieds, eût surgi tout un incendie !

— Oh ! pardon ! pardon ! — disait-il en se tordant les mains avec angoisse, — pardon ! mais je ne peux plus résister, mais je souffre ! mais j’affole ! mais il fallait me laisser mourir ! Oh ! en grâce, dites-moi, ordonnez-moi de