Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/126

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XIII

allan à madame de scudemor.

« Oh ! Yseult ! Yseult ! la soirée d’hier m’a fait oublier les souffrances qui l’ont précédée ! Cette soirée a dû nous désabuser tous les deux ! Vous m’aimez, puisque vous n’avez pas repoussé mes caresses ! Voilà ce que je me répète ! Voilà ce qui m’a consacré mon bonheur ! Vous avez été à moi, Yseult ! Mais vous n’auriez pas été à moi sans amour. C’était de l’amour que vous preniez pour de la pitié. Quand on a souffert autrefois, la peur met un masque au sentiment dont on pouvait souffrir encore, on ferme les yeux, mais il est là…

« Oui, tu m’aimes, puisque tu t’es donnée ! Femme adorable, ils n’ont pu t’arracher ta puissance d’amour ! Ils l’ont tourmentée, déchirée, mais elle est restée inépuisable en toi qui la croyais tarie. Ils ont indignement abusé de ce qu’il y avait de plus céleste dans les dons que Dieu t’avait prodigués, mais ils n’ont pu venir à bout des magnificences de ton âme. En vain, ces dissipateurs insensés et cruels s’imaginaient-ils t’avoir dépouillée de ces trésors de tendresse et de dévouement dont le cœur des femmes est rempli ; en