Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/198

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Elle ne répondait pas. Elle avait l’air évidemment embarrassé. Ses longs cils étaient baissés. Son sein soulevé. Les camélias du balcon, dont la porte était ouverte, ressemblaient à des désirs mourants. Elle passait au souffle de ses narines l’extrémité de ses doigts, imprégnés d’une vague odeur d’ambre par le contact de ses cheveux, dont elle lissait pensivement à ses tempes, si souvent, les luisants bandeaux.

— Ah ! vous aviez bien raison, Yseult, — poursuivit Allan, avec la sécheresse d’une ingratitude révoltante, — vous aviez bien raison quand vous disiez que votre âme était morte. La pitié dont vous n’aviez pas pu vous défendre, la pitié que vous vous étonnâtes de vous trouver encore, n’a été qu’une exaltation de peu de durée qui vous a poussée à des sacrifices dont vous vous repentez à présent. Allons, avouez-le ! Dites-moi que je vous fatigue de mes transports, de mes chagrins, de mes exigences ! Dites-moi que je vous deviens insupportable et que vous finirez par me haïr !

— Je ne le dirai point, — répondit-elle d’une voix très basse, — car cela n’est pas.

Et, vaincu par tant de douceur : — Eh bien, alors, qu’avez-vous donc, Yseult ? — reprit-il avec une prière agile, ardente, infatigable, et ce regard éloquent noyé d’espérance étincelante et qui précède le : « À la fin, je vais le savoir ! » mouvement égoïste et hostile que nous avons parfois contre l’être que nous aimons le plus !

— Allan, — dit-elle en soupirant et après une pause, — si je m’étais trompée sur moi-même ? si j’avais…

— Ah ! je vous le disais bien. Madame, — interrompit-il avec un éclat plein d’ironie, — que vous vous êtes trompée ! Vous n’avez pas su voir que, de mon amour et de