Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/227

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Feu sombre qui a des tisons et peu de lueur, et dont le frémissement, ennuyeusement incessant, se mariait au clapotement de la pluie fine et pressée que le vent chassait aux vitres des fenêtres et qui les cinglait.

C’étaient là les seuls bruits qu’on entendît dans le salon et au dehors. Madame de Scudemor, sa fille et Allan ne se disaient rien, soit qu’ils fussent livrés à quelque rongeante pensée intérieure, soit que cette matinée de décembre les eût jetés dans une de ces tristesses sans autre motif que le temps qu’il fait, et comme si le meilleur motif de toutes les tristesses n’était pas d’être des créatures humaines ! Le jour, grâce à la blancheur du plafond et des rideaux, était plus grand dans le salon que dehors, où il tombait d’un ciel sale et bas, cerné des fumées de la pluie à l’horizon que l’on découvrait de la fenêtre.

Était-ce ces deux ans de séjour en Italie, était-ce les fatigues du voyage ou quelqu’autre cause du même genre qui avaient altéré la santé de la comtesse de Scudemor ? mais elle était visiblement souffrante. Les médecins lui avaient conseillé beaucoup de repos. Les veilles de Paris ne lui valaient rien. À la prière de Camille et d’Allan, elle s’était enfin décidée à attendre le printemps aux Saules. Ces deux ans d’absence avaient durement pesé sur elle. Le soleil à moitié plongé dans la mer était entièrement englouti. L’Italie avait tout dévoré.

Ce jour morne seyait à son front morne, sur lequel sa main lissait, comme autrefois, avec le geste que nous lui connûmes, ses bandeaux envahis d’une cendre maintenant cruelle. À demi couchée sur une causeuse, elle regardait avec la distraction d’un être souffrant et désoccupé le feu de l’âtre, assez semblable à son regard, d’une flamme, pour