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II

Elle avait été une prophétesse, la comtesse Yseult de Scudemor. Cette Sybille des passions éteintes avait mesuré l’amour d’Allan à la mesure, qui ne trompe jamais, de l’expérience et de la nature humaine. Ces deux années lui avaient prouvé la légitimité de ses prévisions.

Pendant son séjour en Italie, Allan (est-il donc besoin de le dire ?) était revenu à la vie que ses torts vis-à-vis de madame de Scudemor avaient noblement interrompue. Ah ! la noblesse des âmes passionnées ne dure jamais longtemps. Allan l’aimait trop encore — et savez-vous ce que c’est qu’un premier amour ? — pour ne pas éprouver la soif du breuvage altérant dont il avait si largement bu. S’il avait trouvé une répugnance, une objection, un refus, la millième partie du plus léger refus, peut-être eût-il été repoussé sur lui-même ; peut-être eût-il envisagé de nouveau les résolutions qu’il abandonnait et se fût-il repris à elles. Peut-être, tout honteux de n’être pas au niveau de l’amour qu’il avait appelé le plus grand parce qu’il était le plus pur, fût-il revenu à ses remords pour les perdre dans une adoration respectueuse… Mais Yseult ne fut pas l’occasion de cette conduite. Elle demeura ce qu’elle avait toujours été. Oda-