Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/253

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la force ne se sentant jamais que quand on résiste, et on ne résiste pas !

C’était par ce malaise de la faiblesse qu’Allan tenait à sa vie passée. Tel l’inextricable lien qui assujétissait le faisceau des événements écoulés à la vie présente. Situation fausse et scabreuse, que madame de Scudemor ne cherchait pas à préciser davantage. Situation douloureuse, dont l’amitié tendre et dévouée de Camille n’adoucissait pas entièrement les aspérités. Le silence de madame de Scudemor sur ce qu’elle avait effleuré assez pour montrer à Allan que son changement lui était connu, venait de l’entente profonde qu’elle avait de la situation du jeune homme. « À quoi bon — se disait-elle — une explication, pénible pour lui, inutile pour moi ?… Entre nous, tout n’est-il pas fini ? Il ne souffre plus. Cette confusion d’avoir été deviné par celle qu’il n’avait jamais abusée, cet embarras qui se teint du regret donné à l’affection dont on reconnaît le néant, ne seront pas de longue durée. » Et par ces raisons, toujours généreuse, elle s’affermissait dans la résolution de ne pas parler à Allan de ce qu’il semblait redouter. Enfin, d’un autre côté, elle remarquait avec joie que l’affection tranquille, les liens fraternels, la confiance s’établissaient entre Allan et Camille, et ce lui était une preuve éloquente que rien ne subsistait plus de l’amour qui l’avait longtemps affligée.