Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/261

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impressions n’étaient pas même tièdes, quand son dernier intérêt venait d’expirer avec l’amour de cet enfant, — habitudes d’esprit qui attestaient ce qu’il y avait eu dans cette femme, et ce que le malheur et les passions avaient détruit !

Une autre femme que la comtesse de Scudemor aurait peut-être été curieuse de connaître ce qu’Allan, maintenant de sangfroid, pensait d’elle et de sa conduite. Mais, à elle, cette idée ne pouvait venir. La vanité ne pouvait faire entendre dans son cœur cette dernière et subtile réclamation. Quoiqu’Allan lui parût mieux valoir que les autres hommes, n’eût-ce été que de la supériorité de la jeunesse, il était un homme aussi, et elle était insoucieuse de ses jugements et de ses mépris. Quand elle le vit souffrir à cause d’elle, elle avait obéi à son instinct de femme. Cet instinct l’eût-il égarée dans l’opinion de qui que ce fût, même d’Allan, elle s’en inquiétait peu ou pas. Qu’Allan, ingrat, tournât contre elle les idées d’une morale vulgaire, ou, plus élevé que la tourbe hypocrite et grossière, lui conservât un respect qu’elle semblait peut-être mériter, ce n’était pour elle ni une peine, ni une récompense. L’indifférence, et non l’orgueil, empêcha même cette idée de naître et de traverser le sommeil d’une indolence dans laquelle elle était retombée depuis qu’il ne s’agissait plus que d’elle seule.

À voir la comtesse de Scudemor ne pas revenir sur les allusions qu’elle avait risquées un jour, ce qui restait d’inquiétude et de crainte à Allan finit pas se dissiper. Rêveur et faible comme à une autre époque, parce que la passion ne l’avait pas brisé au point d’en faire un homme ou moins qu’un homme, il ne regardait pas l’avenir d’un œil ferme.