sence, que d’être mieux seul qu’avec elle ? Camille venait de projeter sur l’avenir et sur le passé un jour formidable, mais non imprévu.
Allan se trouvait placé entre sa conscience et Camille, nouvelle conscience aussi implacable que la première. Jusqu’ici, l’amour de Camille lui avait été un refuge contre lui-même. Maintenant, où serait le refuge, puisqu’elle aussi se retournait contre lui ?…
On a dit, et avec raison, que tout sentiment profond était exclusif et par conséquent jaloux, et cependant les femmes qui veulent le plus être aimées se pâment d’effroi quand on leur montre qu’elles ne le seront jamais qu’en appelant sur elles les plus inquiètes jalousies. Pourquoi donc le désir de l’amour et la peur de l’amour dans ces êtres à ce qu’il semble contradictoires, et qui nous échappent par la mobilité beaucoup plus que par la profondeur ?… C’est que les femmes, quoiqu’elles puissent dire dans les méprises de leurs tendres âmes ou affirmer dans l’hypocrisie de leurs vanités, ont beaucoup plus soif de bonheur que d’amour. Aimer, pour elles, n’est que le moyen : c’est être heureux qui est le but. Aussi, quand elles s’effrayent de ces jalousies qui sont l’amour même, leur instinct n’est pas en défaut. Elles sentent que l’amour dans toute sa plénitude se change trop facilement en angoisse, et c’est du bonheur qu’elles avaient rêvé.
Les hommes, dont la sensibilité est moins grande et les besoins de bonheur moins impérieux, comprennent comme les femmes que la jalousie, pierre d’achoppement du bonheur dans l’intimité, est la borne de l’amour, — la borne après le dernier pas. Des imaginations éprises de la force peuvent l’exalter comme l’expression d’un grand sentiment,