Page:Barbey d’Aurevilly - Le Cachet d’onyx, Léa, 1921.djvu/35

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traction. Rester seule chez elle lui était devenu insupportable. Elle n’avait jamais aimé son mari, mais depuis longtemps elle le haïssait. C’est là la conséquence des passions. Épouvantable logique ! Algèbre de fer et de feu ! Une femme hait son mari parce qu’elle ne l’aime plus, elle le hait parce qu’il lui faut singer avec lui la tendresse, parce qu’il faut endurer froidement ses caresses comme des outrages, et ne pas le repousser, cet époux qui n’est plus qu’un maître, au moment où il prend ce qui est donné à un autre dont l’image se pose incessamment sur le cœur. Et puis ne hait-on pas celui dont la présence vous met au front l’effet d’un brasier, celui qui peut vous mépriser et vous punir s’il vient à vous connaître mieux ? Hortense éprouvait toujours devant son mari le mal de cœur qui précède les évanouissements, et quand il n’était plus là elle avait honte d’une faiblesse qui la rendait une vile créature et la faisait dépendre d’un homme qui l’avait sacrifiée, et à qui elle répétait les mains jointes : « Ne me quitte pas ! »

Il y a une belle imposture de Rousseau, c’est quand il montre dans son Héloïse que celle qui a aimé une fois, qui s’est donnée corps et âme, baisers et sourires, peut devenir,