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ÉPILOGUE



Il faut finir ici cette première série des Bas-bleus au xixe siècle, qui sera suivie de plusieurs autres, si le mouvement qui emporte les femmes vers la littérature, ne s’arrête pas… Et il ne s’arrêtera pas. Il est trop dans le vice de ce temps pour ne pas, au contraire, s’accélérer, et le nombre des Bas-bleus s’accroître. Dans la plupart d’entre eux, ce mouvement n’est que l’enragement de l’orgueil et la révolte contre leurs propres facultés, qu’ils méconnaissent, et contre leur fonction sociale, dont nulle femme n’a maintenant ni le souci ni l’idée. Les Bas-bleus sont trop d’un monde qui a perdu sa virilité pour ne pas croire, en se regardant et en se comparant, que les femmes sont égales aux hommes comme X est égal à X en algèbre, et pour craindre le ridicule devant lequel, — avec une pareille prétention, — elles auraient tremblé autrefois.

Et de fait, aujourd’hui, pourquoi trembleraient-elles ?… Quand tout le monde a tort, tout le monde a raison, a dit Mirabeau, qui en disant cela disait, il est vrai, une bêtise de tribune (et ce sont les meilleures !). Il eût été plus vrai de dire que quand tout le monde est ridicule, personne ne l’est… Or presque tout le monde actuellement a le ridicule de penser que l’homme et la femme ont la même tête, le même cœur, la même puissance et le même droit. C’est stupide, ignorant et anarchique qu’une telle idée ; mais cela n’est plus ridicule par la raison que cela tend à devenir une croyance et une opinion universelle. Le ridicule est toujours le viol