Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/56

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et Archiloque dormait dans sa poitrine, le terrible Archiloque qui devait s’éveiller plus tard, en criant à Dieu, comme je l’ai dit, et à la Justice outragée ! André Chénier, d’organisation inconsciente, était plus fait pour la poésie lyrique que pour toute autre poésie, et quand il en eut conscience, il était trop tard. La guillotine qui lui coupa la tête brisa le carquois de colère qu’il allait vider dans les cœurs maudits qui envoyaient la France entière à l’échafaud. Seulement, par les traits qui en sont sortis, par les quelques flèches que nous pouvons juger, puisqu’elles brûlent, à force de talent, d’un feu inextinguible et immortel, nous pouvons induire quel poète il aurait été s’il eût vécu un jour de plus. Auguste Barbier, qui éclata après Juillet 1830, et qui, malgré tout ce qu’il a fait depuis, a gardé la couronne d’étoiles que ses ïambes ont mises sur son front ; Auguste Barbier n’est qu’un imitateur d’André Chénier, un homme né de son génie. Sans Chénier, qui lui souffla sa flamme et qui fut sa Muse secrète, il n’existerait pas.

IV

Et, en effet, l’imitation, l’émotion, l’inspiration, le ressouvenir d’André sautent aux yeux dans le sonneur